La table de Clotilde de Septembre 2012

C’était la rentrée. Le temps hésitait à poursuivre son été automnal ou commencer un automne estival. Les vitrines des magasins proposaient cahiers et cartables. C’était la rentrée.
Et nous eûmes notre première leçon d’histoire-géo. Turbigo est, en Lombardie, une commune proche de Milan. Pendant la campagne napoléonienne d’Italie, les troupes françaises franchirent le Tessin et défirent les Autrichiens le 2 juin 1859. A Paris, la rue de Turbigo perpétue la mémoire de ce fait d’armes victorieux. Ouverte en 1854 puis rebaptisée, cette rue est longue de 1.165 m et large, au minimum, de 20 m. Elle part du quartier de Bonne-Nouvelle, traverse celui des Arts-et-Métiers et débouche sur le quartier des Halles. La rue de Turbigo est aussi une frontière invisible dans le gay Marais. Et c’est dans cette rue de Turbigo, au restaurant du n°54, que nous avions rendez-vous.
Toute vêtue de ce noir sobre qui fait l’élégance, Clotilde, hôtesse d’un soir, accueillait ses invités.
Bien trop rares à nos diners, Katichou, en robe renaissance bordeaux sous gilet bordeaux, et son amie Alainie en robes à fleurs roses sur fond blancs, accompagnaient Sandra pour son premier diner et aussi, et surtout, ce qui était sa première sortie. Pour l’occasion, notre nouvelle amie avait choisi une robe seventies revival sous gilet brun avec à son cou, un discret collier à petites boules brunes.
Toute pétillante, rayonnante et affable, Heline portait une tunique coquelicot à fermeture éclair blanche (notre amie a le luxe discret et ne nous dit pas ce que je reconnus être un Courrège authentique).
Avec sa longue chevelure acajou, Nadia composait un visage de toute beauté, fond de teint très clair, yeux charbonneux, lèvres brunes. La beauté gothique qui s’ignore est la plus intelligente. Aurélie d’Antony était venue en rose pâle et sa voisine, de ville et de table, Géraldine d’Antony, essayait une audacieuse robe moulante rouge. Parée d’une robe à fleurs aux couleurs vives parée, Karina était venue avec sa charmante épouse, Cesira.
Nouvelle en nos diners, Mélanie faisait dans le noir sexy, et réussi. Marie portait ce soir un chemisier rose sur une jupe blanche plissée aux reflets argentés. Très fine, plus que mince mais pas maigre, Magaly portait une jupe noire courte, qui mettait en évidence ses longues jambes fuselées de noir.
Accompagnée d’une amie, Sandrine, Nicole était de toute beauté, une classe princière pour gala à Vienne ou à Hollywood, avec son long foulard blanc noué savamment, dénudant les épaules fragiles.
A ma table, Alainie nous racontait son coming-out, récent et sans problèmes dans son milieu professionnel.
Toute pétillante et d’une féminité accomplie, Heline nous narra ses vacances en Crête et aussi son changement de papiers d’identité ; elle nous dit sur ses frêles épaules le poids de l’État –lumière grise et parquet ciré qui craque- lorsqu’au tribunal, la juge énonça son verdict : « Madame Heline… ».
Géraldine de Paris, panthère nocturne, nous surprit avec un joli chapeau pour scène de café-beuglant.
Ce soir-là, je ne circulai pas entre les tables pour voler conversations et propos et les rapporter ensuite ici. Lassitude passagère ? Scrupule tardif et infondé ? Ou début d’un questionnement autrement plus intérieur ? L’avenir me le dira.
Avec 17 personnes ayant honoré sa table, Clotilde pouvait être satisfaite de cette rentrée.
Rendez-vous est pris pour le vendredi 12 octobre, au restaurant habituel, « L’Absinthe ».
Krissie

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