Au centre de Paris, la rue des Lombards relie le quartier du Marais à celui des Halles.
En 1332, cette rue prit son nom par la présence de nouveaux habitants, des Italiens
banquiers qui pratiquaient l’usure. Les Templiers s’y réunissaient secrètement et
Ravaillac s’y réfugia, son forfait commis. Aujourd’hui, la rue des Lombards est une des
rues les plus animées de la capitale, avec ses clubs de jazz, ses bars gays, ses
boutiques de mode et de design, ses restaurants, dont « le Chant des Voyelles », où
Clotilde nous avait donné rendez-vous en ce mois d’août languissant et chaud, en
cette soirée orageuse et lourde.
Clotilde, haut noir sur jupe de soie bordeaux, se fit comme à son habitude,
notre hôtesse, mais hélas nous ne fûmes que cinq à honorer sa table mensuelle. Les
belles parisiennes, aoûtiennes, doraient sur les plages, peut-être.
Portant haut noir sur jupe à bandes blanches et noires, la blonde Audrey était
une nouvelle venue, nous venant des Flandres. Géraldine d’Antony se faisait
discrète dans une robe imprimée à fleurs. Christina avait choisi une robe
elle-aussi à fleurs, aux tons vert, ocre et mauve (les tons « préférés » de notre
amie).Quant à Lydie, elle était de toute beauté avec une superbe robe («
achetée à Mende ! ») rouge et verte, assortie d’un collier à boules vertes et un foulard
noir.
Larme à l’œil, nous évoquâmes, tour à tour, nos premières sorties en solitaire dans la
jungle des villes où tant de prédateurs rustres guettent les biches fragiles et
effarouchées que nous étions alors. Puis notre conversation se fit cinéphile. Clotilde
nous parla de ses récentes séances, le film d’Almodovar « Dans la peau que j’habite »
(où la transsexualité du personnage principal est imposée) et le film « Laurence
Anyways » de Xavier Dolan (où la transsexualité du personnage principal joué
talentueusement par Melvil Poupaud est choisie, si c’est un choix aussi mais c’est
plus compliqué que cela). Nous narrant l’histoire, Clotilde était toute émue, je
remarquai sa gorge nouée et ses yeux humides. C’est que ce film interroge la
réception du changement par l’entourage familial et social. Et se basant sur le film,
Clotilde se demandait si elle-aussi, comme le héros ou plutôt l’héroïne du film, n’avait
pas involontairement causé tant de souffrances à ses proches et d’abord à son
épouse.
Mais dans ce restaurant, la musique dite d’ambiance était bien trop forte, couvrant
presque nos échanges. Ce n’était plus une musique, mais une nuisance. Cette
pollution sonore est un critère de sélection et notre sélection est déjà faite.
Rendez-vous est pris pour le vendredi 14 septembre à « L’Absinthe ».